1. Critères DHS / VAT
Pour échanger ou commercialiser des semences et plants déstinés à une exploitation commerciale, il faut que les variétés soient inscrites au catalogue officiel des espèces et variétés. Pour cette inscription, la variété doit actuellement subir une série de tests afin de :
vérifier son adéquation aux normes de Distinction, d’Homogénéité et de Stabilité (test DHS).
évaluer l’amélioration par rapport aux variétés existantes (test VAT : Valeur Agronomique et Technologique), lorsqu’il s’agit de plantes de grandes cultures.
Cependant pour les variétés paysannes et de terroir, l’expression des plantes en fonction du milieu et l’évolution des lignées et populations sur les fermes rendent quasi impossible la description suivant ces critères officiels DHS et VAT. Ces variétés étant souvent peu homogènes et peu stables pour préserver leurs possibilités d’adaptations et d’évolutions. Leur inscription devient alors impossible, ce qui leur empêche d'accéder au marché pour être commercialisées puis cultivées, seul moyen de ne pas disparaître.
2. Les variétés de conservation
Le cadre des variétés de conservation proposé dès 1998 par la directive européenne 98/95 fait suite à la signature de la Convention sur la Diversité Biologique et à la prise en compte importante de la conservation « in situ » de la biodiversité et plus spécialement des variétés locales qu’elle implique.
Ce cadre spécifique vient d'être précisé par une nouvelle directive 2008/62, puis transposé en droit interne récemment. Ainsi, l'arrêté du 16 décembre 2008 et les règlements techniques du 13 janvier 2009 sont venus créer un registre annexe au catalogue officiel pour les variétés de conservation et définir les conditions d’inscription puis de commercialisation des semences.
Ce nouveau cadre réservé aux variétés de conservation témoigne d'une prise en compte de la spécificité de certaines variétés et notamment de leur hétérogénéité et instabilité. Il est censé apporter une réponse à l'impossibilité d'inscrire certaines variétés locales en prévoyant des critères moins stricts d'inscription. Mais ce registre n’ouvre qu’une petite tolérance au sujet de l’homogénéité (10% de hors type ou plantes aberrantes) et reste strict pour la stabilité. Il se fixe pourtant comme objectif de permettre la commercialisation de semences de «races primitives», définies comme « un ensemble de populations ou de clones d’une espèce végétale naturellement adaptés aux conditions environnementales de leur région». Une population est par définition diversifiée pour la totalité de ses composants et non pour seulement 10% de hors type.
Les proportions de chacun de ces composants peuvent varier d’une année sur l’autre. Aucune population, et encore moins aucun ensemble de populations, ne peuvent rentrer dans les critères « homogène » et « stable » proposés. Cette contradiction interne de la directive européenne doit nécessairement l’amener à évoluer pour permettre la prise en compte de critères plus souples concernant l’homogénéité et la stabilité.
L’obligation d’amener la preuve d’une culture traditionnelle dans une région d’origine (ou d’adaptation) risque aussi de restreindre énormément les opportunités offertes par cette directive qui devrait sur ce point s’ouvrir explicitement aux variétés issues de sélections / adaptations locales récentes.
La limitation géographique de la vente de semences dans cette même région d’origine peut dans quelques cas être justifiée pour renforcer la protection de dénominations locales, mais ne se justifie pas dans la majorité des autres cas.
Enfin, pour les espèces à faible diffusion, les restrictions quantitatives proposées peuvent aussi constituer un frein important à la conservation effective de la biodiversité par sa valorisation économique qui nécessite souvent de pouvoir dépasser une masse critique minimum. Ce cadre est donc insuffisant pour une véritable diffusion des variétés de conservation.
3. Variétés créées en vue de répondre à des conditions de culture particulière
Avec les variétés potagères créées en vue de répondre à des conditions de cultures particulières, la Commission européenne supprime quelques unes de ces barrières : la variété peut avoir évolué ou été sélectionnée récemment et ses semences peuvent être commercialisées en dehors de la région d’origine. Contrairement au souhait du gouvernement français, la directive ne limite pas non plus ces variétés à « un usage pour jardiniers amateurs ». Elle permet ainsi d’en vendre les semences pour un usage professionnel. Elle supprime aussi les limitations quantitatives, mais pour les réintroduire avec une limitation de conditionnement pervers, «le prix relativement élevé des semences vendues en petits conditionnements entraînant une limitation quantitative ».
Actuellement, une réforme de toute la réglementation sur la commercialisation des semences (dite "Better regulation") est en cours au niveau européen. Un règlement devrait paraitre dans les prochains mois.
En France, celui qui conserve des ressources phytogénétiques n’a pas le droit de les multiplier et d’en commercialiser la semence en vue d’une utilisation pour l’agriculture et l’alimentation.
Résultat : plus personne ne s’intéresse à une activité qui coûte et ne rapporte rien. Hors les paysans ne peuvent produire que s’ils vendent leur récolte. Quant aux semenciers, ils préfèrent déléguer la conservation de la biodiversité à l’Etat qui l’enferme dans des frigos ou des banques de gènes où elle dégénère par manque de crédits.
Seuls quelques paysans et associations d’amateurs s’épuisent à sauvegarder les variétés anciennes malgré les contraintes réglementaires inadaptées aux réalités du vivant.
LA CO-EVOLUTION
Le travail d’« amélioration » des plantes ou de conservation de variétés anciennes ou locales réalisé par les semenciers professionnels et les associations amateurs, permet et justifie une identification claire des semences et plants qu’ils mettent sur le marché et donc l’existence de catalogues qui leurs sont adaptés. L’actuel catalogue commun est fait pour les variétés industrielles.
Le travail de sélection réalisé chaque année dans leurs champs par des paysans qui continuent à créer leurs propres variétés, nécessite des échanges réguliers et très diversifiés de quantités modestes de graines ou de plants qui vont réveiller et élargir leur potentiel génétique en passant d’un champ à un autre. Les scientifiques ont donné un nom à cela : la co-évolution.
A chaque échange, les lots de semences sont différents : ils ne peuvent être tous décrits et enregistrés dans un catalogue qui deviendrait une usine à gaz paralysante. Ces échanges sont une pratique courante dans la plupart des pays du monde et encore tolérée dans de nombreux pays européens.
1. Le certificat d'obtention végétale sur la variété
En Europe, une nouvelle variété ou "obtention végétale" peut être protégée, si elle est nouvelle, distincte, homogène et stable. Son créateur pourra alors détenir un droit d'obtention végétal, aussi appelé Certificat d'obtention végétale (COV), pour une durée de 25 à 30 ans en fonction des espèces à protéger.
L'Europe s'est opposée au brevet sur les variétés végétales et a préféré mettre en place le COV, dont elle a encouragé la création pour répondre à la demande croissante des obtenteurs et des industriels des semences.
2. Le brevet
Aux Etats-Unis, il est possible de déposer un brevet sur une nouvelle variété, ce qui est interdit en Europe.
Par contre en Europe, si le brevet sur la variété est interdit, la brevetabilité du vivant reste possible lorsqu'il s'agit d'invention. Il peut exister des brevets (cumulables avec des COV sur la variété) sur la technologie permettant l’obtention de la variété et/ou sur un gène et sa fonction issue d’une invention (la technologie brevetée) présent dans une semence, comme c'est le cas pour les OGM ou encore certaines variétés issues de mutagénèse dirigée. Ainsi aujourd'hui il existe une mutltitude de brevets sur des plantes issues de procédés brevetés. Le brevet est valable pendant 20 ans.
Les droits de propriété industrielle ont un impact très important sur le monde paysan. Effectivement, une variété protégée ne peut pas être librement cultivée puisque la reproduction à la ferme des semences (des variétés protégées) d'une année sur l'autre est considérée comme étant une contrefaçon.
Dans l'Union européenne, la réglementation qui date de 1994 impose à l'agriculteur de payer une "rémunération équitable" à l'obtenteur pour pouvoir ressemer ses semences issues de variétés protégées. Ceci n'est néanmoins possible que pour 21 espèces. Les petits agriculteurs produisant moins de 92 tonnes ne sont pas soumis à l'obligation de rémunération. Pour les autres espèces protégées par un DPI, la semence de ferme est interdite.
En France, la situation des semences de ferme vient d'évoluer depuis la loi du 8 décembre 2011 et se rapproche du régime européen. Les semences de fermes sont donc interdites lorsqu'elles sont issues de variétés protégées par un droit de propriété intellectuelle sauf pour 21 espèces où elles sont autorisées à condition de rémunérer l'obtenteur. Avant la loi, toutes les semences de fermes étaient interdites sauf pour le blé tendre pour lequel il existait un accord interprofessionnel depuis 2001. Cet accord qui existe toujours prévoit de faire payer à tous les producteurs de blé tendre une contribution volontaire obligatoire (CVO) afin de rémunérer les obtenteurs.
Les agriculteurs apportant la preuve (facture d'achat de semences) qu'ils n'ont pas fait leur semence à la ferme mais qu'au contraire ils ont acheté un lot de semences, peuvent se faire rembourser la CVO. Par contre pour les agriculteurs qui ne cultivent pas de variétés protégées, comme les semences paysannes, et qui n'ont pas de facture d'achat de semences, il ne leur est pas possible d'apporter de preuve... la situation n'est pas équitable pour tout le monde. Une des conséquences de la loi de 2011, est que ce système de CVO risque d'être étendu aux 21 autres espèces (identiques à celles du régime européen). Les petits agriculteurs produisant moins de 92 tonnes ne sont pas soumis à l'obligation de rémunération.
Pour les variétés non protégées, la semence de ferme est encore autorisée.
Les critères étant les mêmes pour l'inscription au catalogue et pour le dépôt d'un droit de propriété intellectuelle, les variétés paysannes ne pourront que rarement être protégées par un COV. Par ailleurs, le coût à investir pour l'obtention et le maintien d'un COV représente un investissement non négligeable, qui risque en plus de ne pas être rentable si la variété est peu utilisée. D’autant que la protection est limitée aux pays (ou Communauté de pays) où elle a été demandée et que chaque nouveau pays nécessite une nouvelle protection, donc un coût supplémentaire. Il faut aussi savoir que si l'obtenteur désire faire valoir ses droits, c'est à lui d’engager les poursuites judiciaires nécessaires. Les États ne sont pas à ce jour contraints d’aider les détenteurs de droit de propriété intellectuelle à obtenir leur dû. Enfin, il n'est pas sûr que les paysans et les chercheurs, dans le cadre d'un programme de sélection participative paysanne, veuillent déposer un COV sur la variété sélectionnée, d'un point de vue philosophique.
Texte tiré du réseau semence paysanne
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